La délivrance des legs a pour fonction de conférer au bénéficiaire du legs, le légataire, la faculté d’exercer la totalité des droits attachés à la propriété des biens légués, autrement appelée la saisine. À ce titre, la délivrance se distingue, d’une part, du transfert de propriété du bien légué qui a lieu de plein droit par le décès. Elle se distingue, d’autre part, du paiement du legs qui consiste en la remise matérielle des biens légués au légataire. Le plus souvent, le légataire doit demander la délivrance du legs aux héritiers. En cas de refus, la délivrance doit être demandée en justice.

En l’espèce, un légataire a obtenu la délivrance judiciaire d’un legs de somme d’argent. Il a ensuite fait délivrer aux héritiers un commandement de payer aux fins de saisie-vente sur le fondement de la décision de délivrance du legs. Les héritiers ont contesté la mesure devant le juge de l’exécution, puis devant la cour d’appel. N’ayant pas obtenu gain de cause, ils se sont pourvus en cassation au motif que la délivrance de legs se distinguait du paiement de celui-ci et que, ce faisant, la décision ayant ordonné la délivrance ne pouvait être assimilée à un titre exécutoire.

Dans son arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation confirme cette analyse et casse l’arrêt d’appel. Pour cela, elle rappelle que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution ». Or, « la délivrance d’un legs particulier a pour seul objet la reconnaissance des droits du légataire, permettant l’entrée en possession de l’objet du legs et l’acquisition des fruits, et se distingue du paiement du legs ». En conséquence, la « décision accueillant une demande de délivrance d’un legs de somme d’argent ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d’exécution forcée ».

Si la distinction entre délivrance et paiement du legs peut apparaitre largement théorique, elle a des conséquences pratique indéniables, notamment pour ce qui concerne la mise en place de mesures d’exécution forcée. Il est donc nécessaire de s’assurer d’avoir requis en justice le paiement du legs litigieux dont la délivrance a préalablement été obtenue afin de pouvoir ensuite en obtenir l’exécution forcée.

Réf : Civ. 1re, 21 septembre 2022, n° 19-22.693